vendredi 2 novembre 2012

Quelle mouche a piqué Jean Quatremer?

J'aime bien Jean Quatremer. Un journaliste qui connaît bien l'Union européenne. Que je trouve souvent concentré sur certains thèmes autour desquels il a réussi à fédérer une clientèle, mais comment critiquer sa réussite de journaliste qu'il n'impose que trop peu au journal qui l'emploie.

En quelques jours, je le trouve changé. Ainsi, pour la Toussaint, il s'en prend à Yves Mersch, non pas en raison de son sexe puisque la polémique sur sa nomination au directoire de la Banque centrale européenne porte sur le fait que l'institution soit fagocitée par les hommes, mais pour sa nationalité.

Pour le correspondant à Bruxelles de Libération, la nomination d'Yves Mersch à la BCE serait un mauvais signal. Son billet est assez court comme les arguments qu'il développe. Non, le Luxembourg ne participera pas aux débuts de la taxe sur les transactions financières. Pourquoi? M. Quatremer ne le dit pas.

Une taxe largement insuffisante

Il y a deux raisons ouvertement affichées: d'abord, cette TTF n'est pas la taxe Tobin comme l'avait imaginée son créateur éponyme puisqu'elle devait revenir au départ à l'aide au développement. Tobin avait "pesé" l'adhésion des institutions financières à cette idée et il avait estimé qu'elle pouvait se monter à 0,5% - pour faire simple puisqu'elle est différenciée selon les produits qu'elle concerne - sans que cela ne trouble trop les patrons européens de la finance. Le projet qui va doucement entrer en application ne se monte qu'à 0,1% et, crise aidant, a déjà été promise plusieurs fois selon les Etats membres. En France, le président, François Hollande, en a ainsi donné un bout au budget européen, un bout au budget national et un bout au développement (lors de son discours à Dakar). Ses ambitions se résumeront bientôt, vous le verrez, dans des discours qui vanteront son mérite d'exister...

Deuxième aspect, le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, reste un Européen convaincu. Sa longue expérience agace ceux voudraient revenir sur les acquis communautaire, mais j'aurai l'occasion, dans les semaines qui viennent, de démontrer comment le président de l'eurogroupe - un des premiers à avoir plaidé pour la gouvernance économique européenne lors de la mise en place des accords de Maastricht avec Jacques Delors ou Philippe Maystadt par exemple - défend la poursuite de la construction de l'Union européenne dans un livre à laquelle nous mettons la dernière main et basé sur les journées sociales, petites soeurs des Semaines sociales françaises qui ont plus d'un siècle d'existence.

Une Slovène surgie de nulle part

Et dans son argumentaire, la TTF n'est pas bonne parce qu'elle ne va rien rapporter du tout: les banques transféreront, si ce n'est pas déjà fait, leurs activités, vers la City de Londres ou d'autres centres financiers naissants. Evidemment, le Luxembourg défend sa place financière et ne pourrait pas faire autrement mais si l'on s'arrête une minute sur cette perspective, la position du Luxembourg a du sens.

Enfin, et ce sont certains lecteurs de Jean qui le rappellent: la nomination d'Yves Mersch est partie d'un package global autour de la succession de Jean-Claude Juncker à la tête de l'eurogroupe. Il est étonnant que cette discussion sur Mersch, patron de la Banque centrale de Luxembourg et donc candidat désigné pour le Luxembourg plus qu'"une Slovène" surgie de je ne sais où, ne sorte que maintenant alors que l'occasion s'est présentée il y a quelques temps déjà...

J'avoue que deux jours plus tôt, j'avais déjà eu bien du mal avec son précédent billet sur le siège unique du Parlement européen. S'il rappelait comment la France avait raté le bon virage et aurait pu devenir capitale européenne, on oublie un peu vite que Strasbourg comme un des trois lieux où le Parlement européen est établi avec Bruxelles et Luxembourg résulte d'un accord global au niveau européen. Tout le monde y trouve son compte. Dans le traité de Lisbonne, même rebaptisé, il existe dans les annexes une quarataine d'accords entre amis, véritables échanges de bons procédés. Sans même parler des différentes agences décentralisées. A bien y réfléchir, si la question n'est qu'une question de transhumance coûteuse, voire d'efficacité, alors pourquoi ne pas regrouper tout ce qui est européen dans une ville européenne, véritable capitale européenne...

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