vendredi 1 mars 2013

UE: un contrôle intelligent pour gagner 1'30", une avancée majeure... de la démagogie

Pour comprendre la proposition de la commissaire européenne en charge de la Sécurité, Cecilia Malström, sur un contrôle intelligent aux frontières... il faut une bonne dose d'intelligence. Du coup, j'ai du mal... et c'est logique.

C'est peut-être parce que cette semaine, j'avais pris le temps de lire les inquiétudes du président de l'Association européenne pour la défense des droits de l'Homme, Serge Kollwelter, sur son blog "Our (little) world". Un titre qui sonne comme un jeu de mots qui renvoie à la fois vers le petit Luxembourg, puisqu'il est Luxembourgeois et vers une sorte d'ironie de ces "puissants" Européens dans le village mondial... J'avais donc commencé à chercher à comprendre son point de vue quand la Commission européenne a publié sa nouvelle idée... Enfin nouvelle, façon de parler.

C'est juste si mal fagoté que je ne sais pas par où commencer...

Les faits? Un nouveau système de gestion des contrôles aux frontières extérieures de l'UE.

Du coup, j'ai cherché de quelles frontières extérieures on parlait. J'ai retrouvé cette belle infographie dynamique de ses services... Et vous allez voir, elle est TRES instructive! 7.702 km de frontière terrestre (extérieure), 41.915 km de frontière maritime et 644 points aériens.

Le dispositif s'adresse, dit le communiqué à 5 millions de personnes, baptisés "les voyageurs fréquents". Facile à comprendre, ceux qui viennent en Europe pour faire un peu de tourisme peuvent bien patienter un petit peu. Mais les autres, qui sont-ils?

La même infographie indique qu'en 2011:
  • 361 millions de voyageurs aux frontières extérieures par avion
  • 202 millions par la route
  •   83 millions par la mer
Soit 646 millions de voyageurs sont entrés en Europe.

Dans l'ordre de leur nombre de visas, ce sont les Russes qui sont les plus concernés. A peu près 2,4 millions de Russes ont eu un visa multiple en 2011, suivis par 400.000 Ukrainiens et 150.000 Chinois. Le top 10 est complété dans l'ordre par la Turquie, la Biélorussie, l'Inde, le Maroc, l'Algérie, le Royaume-Uni et l'Arabie saoudite.

Cinq millions, cinq millions, d'où vient le chiffre de cinq millions? Il est juste faux et la commissaire le sait. Seulement comme les défenseurs des droits de l'Homme et les antiBigBrother sont vent debout contre le projet de flicage - comme ils le qualifient - elle a consciemment diminué le chiffre.

Je le sais parce que j'avais lu son précédent document. Et comme d'habitude, les petites clauses tout en bas des contrats d'assurance. Il y est dit:
"Ce calcul repose sur l’hypothèse que 20 % de l’ensemble des voyageurs se verraient délivrer un visa à entrées multiples (environ dix millions par an), et que la même proportion de personnes ne nécessitant pas de visa solliciteraient le statut de voyageur enregistré."
  • 20% des voyageurs à visa multiples = 10 millions, déjà deux fois de plus...
  • Et donc la même proportion en nécessitant pas de visa (donc grosso modo les Américains au sens continental, deux ou trois pays asiatiques et l'Australie). Difficile de les estimer ceux-là puisque les statistiques sont très différentes. La plus fiable - puisque l'échantillon réalisé a servi de base à la décision politique - donne 11% du total des entrants sur le territoire européen avaient besoin d'un visa en 2009. A la louche, 40 à 50 millions de personnes et donc 10 millions de plus concernés par les smarts borders...!

Soit au total non pas cinq millions de personnes concernées mais  quatre fois plus! Vingt millions.

Tout ça pour quoi, une autre vraie question, non?
"For those registered passengers, the average time for border-crossings could be
cut “from the current 1-2 minutes to below 30 seconds"
Une ligne extraite d'un très documenté rapport d'une fondation liée aux Verts européens.

Et ce ne sera là que la première étape vers un fichage généralisé des non-Européens pour leur faciliter la vie... C'est là que je rejoins Serge Kollwelter. Qu'adviendra-t-il de ce voyageur provisoirement autorisé à séjourner en Europe dont le délai de séjour a expiré? Et s'il est malade? Quid de la lutte contre les clandestins qui échapperont encore au dispositif?
Et pour toutes ces questions-là, au lieu de vouloir démonter l'image de l'Europe Forteresse à la veille d'échéances électorales que les conservateurs commencent à redouter, on pourrait, avec un mandat élargi pour l'Agence des droits fondamentaux enfin réaffirmer les valeurs européennes et les faire respecter.

Mais ça, évidemment, d'un point de vue électoral, ça parle moins...

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