mardi 7 mai 2013

Travailleurs détachés ou comment le gouvernement nourrit le Front national et tué le modèle social

J'en ai marre. Face à l'affaire Cahuzac, les élus ne répondent que deux choses:
  • Nous ne sommes pas tous pourris, nombre d'entre nous respectent les règles du jeu
  • Ce que vous faites (nous les journalistes) est du populisme! (Et du coup, pas besoin de se justifier, fussent-ils dépositaires par leurs mandats de notre société)
Populisme, populisme... Et pendant ce temps-là, avec autant de condamnés que les autres, avec des comptes en Suisse, avec un procès aux fesses pour l'utilisation d'argent de l'Etat sur un de ces micro-partis dont tous les partis usent et abusent pour contourner la loi sur le financement des partis, le Front national s'installe dans les esprits au gré des sondages qu'ils bricolent indirectement (coucou, Monsieur Philippot Frère)...

J'ai donc cherché un seul exemple qui montre comment nos hommes politiques attisent eux-mêmes ces rancœurs qui nourrissent l'extrême droite.

Sans difficultés, j'ai trouvé le rapport du sénateur Éric Bocquet sur les travailleurs détachés. Vous vous souvenez, le fameux plombier polonais? Qui aurait envahi notre beau pays pour casser les prix puisque basé en Pologne, par exemple, il coûtait moins cher. "Proposé" en France par des agences sans trop de scrupules, il est toujours moins cher... Et plus malléable... Le travailleur idéal...

Il y a quand même deux choses que ces mouvements anti-UE ont "oublié" de vous dire...

Selon les statistiques les plus fiables de cet univers soigneusement verrouillé, la Pologne est effectivement la reine. Mais la France expédie autant de ses travailleurs en Europe que la Pologne, 300.000 par an (pp 16 et 17), tandis que l'Allemagne complète ce podium (250.000 détachés par an). Donc la France n'a guère intérêt à agir de manière générale puisqu'elle aurait elle aussi beaucoup à y perdre. Imaginons qu'on renforce les contrôles ou les justificatifs, il n'y a aucune raison objective qu'elle soit moins borderline que les autres...

La France qui crie qu'elle réussit à infléchir la position de l'UE est la même que celle qui pratique ce dumping social. Car il ne s'agit pour beaucoup de rien de moins que cela.

Mais notre beau pays a une autre particularité, qui figure toujours dans ce rapport: 18.500 des travailleurs détachés qui travaillent en France... sont Français! Autrement dit vont s'inscrire dans une agence d'intérim, basée dans un autre État membre de l'UE où les charges sont moins élevées, qui les réexpédie dans l'Hexagone. Deux ou trois de mes confrères, qui cherchaient probablement un bouc émissaire, ont désigné le Luxembourg (qui figure dans le rapport) comme celui qui profitait le plus du système...

Je suis donc allé chercher à vérifier cela sur le terrain. Pour m'apercevoir que le Luxembourg est un des pays européens qui œuvrent le plus contre les dérives liées au travailleur détaché. Il participe notamment à Eurodétachement et édite à ce titre un "guide du parfait travailleur détaché". C'est au ministre du Travail de vérifier que ces agences d'intérim ont une réelle activité sur son territoire...

Un gouvernement social-démocrate qui voudrait préserver le modèle social, les acquis sociaux, tout ça, dont une partie des ministres et des ténors dézingue à tout va l'Allemagne n'aurait qu'à insister auprès de son homologue luxembourgeois, Nicolas Schmit, socialiste lui aussi, pour qu'il fasse le ménage dans l'intérim.

Seulement après, 18.500 Français viendraient rejoindre la cohorte des demandeurs d'emplois. Alors les hommes politiques laissent nos bons Francais torpiller le modèle social de l'intérieur et ces vilains Polonais nourrir le camp des déçus de l'UMPS... C'est un choix...

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