mardi 5 février 2013

Internet, le cauchemar du gouvernement de Hollande

La double interruption de séance, dans la nuit de lundi à mardi, à l'Assemblée nationale, dans l'interminable examen de la loi sur le mariage pour tous ne pouvait pas mieux tomber. Je ne vais pas vous la raconter dans le détail, c'est la spécialité du Lab, qui fait cela très bien.

Dans un article au Nouvel Obs, Claude Bartolone, président de l’Assemblée, rappelle alors qu’un groupe de travail a été mis en place "pour s’interroger sur toutes les habitudes de travail de l’Assemblée, parce-qu’il n’y a pas que le problème de la communication électronique (…). Je pense qu’il y a un certain nombre de méthodes qui ne correspondent plus à ce que devraient être les méthodes de travail d’une Assemblée moderne."

De son côté, Bruno Le Roux, président du groupe socialiste, tient lui aussi à s'exprimer sur la question, "pour, peut-être, calmer les choses" : "Puisque ces réseaux sociaux existent, je souhaite qu'il y ait la plus grande interactivité et que nous ne nous autorisions rien sur les réseaux que nous ne dirions ici dans l’hémicycle".

Elle illustre parfaitement la difficulté du politique à appréhender ces nouveaux usages de leurs terrains de jeu, bien loin de ces retransmissions du mercredi après-midi sur FR3, où les députés tentaient absolument de pouvoir poser leur question avec véhémence pour montrer à leurs administrés combien ils étaient actifs à la défense de leurs intérêts dans l'assemblée.

Non seulement les réseaux sociaux sont devenus le nouvel espace de vie démocratique, entre journalistes branchés, bloggueurs avertis, militants geeks et anonymes noyés entre la masse d'informations et la difficulté à y donner du crédit, mais les politiques qui ne veulent pas rester en marge du mouvement tweetent ou postent des commentaires sur Facebook pendant même les séances, introduisant dans la vie politique la même distance dans la communication que celle qui touche le commun des mortels: on ne se parle plus, on ne se rencontre plus mais on a plein d'amis virtuels un peu partout.

La particularité, en ce qui concerne la vie politique, c'est justement que les hommes politiques sérieux devraient être en train de s'occuper de ce qui se passe devant eux plutôt que de soigner leur images sur les réseaux sociaux. Et vous aurez remarqué là qu'il n'existe aucune modération, aucune consigne dans le règlement de l'Assemblée nationale comme une sorte de gentlemen agreement autour de cette question pourtant fondamentale...

Dans le même temps, la ministre du Numérique, Fleur Pellerin, recevra les patrons de Twitter en France pour une remontée de bretelles après les nombreux dérapages sur le réseau de l'oiseau bleu. A bien y réfléchir, là encore, il ne s'agit que de communication: il s'agit de dire au grand public que le gouvernement agit face aux relents d'antisémitisme, de discrimination antigay ou d'islamophobie. Le gouvernement aimerait que Twitter trouve une solution de prémodération ou, au pire, de modération. Qui existe dans les faits puisqu'il est possible de signaler le profil de quelqu'un qui dérape pour une raison X ou Y.

Car au fond, le gouvernement n'a qu'à demander à la justice d'agir. Le trouble à l'ordre public existe. La pénalisation de la discrimination en raison de ses origines, de ses croyances ou de son orientation sexuelle aussi. Seulement y aller par ce chemin-là, c'est ouvrir une boîte de Pandore de milliers d'affaires dont personne ne peut imaginer la portée sinon un nouvel engorgement des bureaux de police et des tribunaux.

En outre, le gouvernement, qui pensait tirer bénéfice des 60 millions d'euros obtenus de Google - évidemment salués par la presse puisque c'est elle qui doit au final les récupérer selon une clé de répartition encore obscure - a vu les médias étrangers dire tout le ridicule de cette mesure. Or le numérique est un secteur clé de la communication présidentielle. Depuis le début, face à l'impossibilité dans les faits de mettre fin à l'hémorragie industrielle qui voit les unités fermer les unes après les autres, l'équipe mise en place par François Hollande avait probablement imaginé que le secteur du numérique servirait de symbole de sa capacité à reprendre en mains la destinée économique du pays.

Même là, les derniers développements montrent qu'il n'en est rien... Ne reste plus qu'à reprendre ce bon vieux bouquin américain de 1979 qui donne des pistes, certes aux Etats-Unis, sur l'utilisation des médias pour revigorer la démocratie...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Publicité