dimanche 24 février 2013

Les pharmaciens... dans le viseur des lobbyistes du médicament: un scandale

Vous connaissez la différence entre un lobbyiste et un homme politique? Le premier défend sa crèmerie et le second l'intérêt général. Et quand l'homme politique se double d'un médecin, il paraît tout à fait incongru qu'il torpille les initiatives législatives qui pourraient permettre de lutter contre les dérives du système.

Après les Infiltrés de vendredi soir sur les labos pharmaceutiques, sur France 2, visible sur le plus si vous l'avez raté, une question: qui est ce médecin de la majorité proche du gouvernement Fillon qui a torpillé l'article 19 du projet de loi du ministre de la Santé, Xavier Bertrand, sur le contrôle des visiteurs médicaux, en 2011?

La France comptait fin 2011 199.987 médecins en activité et 18.000 visiteurs médicaux, soit un VM pour onze médecins en moyenne. Des visiteurs médicaux qui doivent informer les médecins sur les 12.000 médicaments vendus en France (contre 2.500 en moyenne chez nos voisins mais ces chiffres sont contestés par les professionnels). Ils doivent, depuis 2004, se comporter selon des principes rassemblés dans une charte, qui selon le reportage, ne fonctionne pas. Par exemple, comme ils n'ont pas le droit de rétribuer les médecins pour des prescriptions de leurs médicaments, ils les rétribueraient parfois dans le cadre de leur participation à des enquêtes de "satisfaction" à 480€ par questionnaire...

Pire même et on en parle assez peu, 140.000 personnes sont hospitalisées chaque année en France pour un problème lié à un médicament! Et 13.000 personnes en meurent chaque année, trois fois plus que les morts sur la route!

Ça, c'est pour fixer l'ordre des choses.

Du coup, j'ai revisité TOUT le processus législatif sur ce sujet. Pas de chance, il a été tout sauf un long fleuve tranquille...

Que dit l'article 19 évoqué pendant ce reportage en caméra cachée, intéressant mais contraire au code de déontologie des journalistes?

Dans le projet de loi:

"Il est inséré, à l’article 19, une disposition expérimentale au sujet de la visite médicale exercée dans les établissements de santé. Pour une période qui ne peut excéder deux ans, l’information par démarchage ou la prospection pour les produits de santé, effectuée dans ces établissements, a lieu devant plusieurs professionnels de santé. Les modalités pratiques sont définies par convention entre chaque établissement de santé et les industriels. Le Gouvernement réalise une évaluation de cette expérimentation et remet un rapport au Parlement avant le 1er janvier 2013 avec une proposition, le cas échéant, visant à pérenniser le dispositif et à l’étendre aux professionnels de santé exerçant en ville.
L’article L. 162-17-8 du CSS est modifié afin de prévoir la conclusion d’une charte entre le CEPS et les entreprises du médicament (LEEM) pour encadrer la pratique de la visite médicale. Cette charte peut habiliter le comité à fixer des objectifs chiffrés, par année, d’évolution de la visite médicale pour certaines classes pharmaco-thérapeutiques. Le montant de cette pénalité, qui ne peut dépasser un certain seuil du chiffre d’affaires, est fixé en fonction de l’importance du manquement. La mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la publication d’un décret en Conseil d’État."


Dans la loi, ce dispositif... a été vidé de son intérêt puisque les médicaments les plus utilisés par les hôpitaux ne sont plus concernés par l'expérimentation.

Pendant le débat, deux députés étaient notoirement contre, la pharmacienne socialiste Catherine Lemorton, qui jugeait l'expérimentation inapplicable, et le nouveau centre et ancien chef de service hospitalier Jean-Luc Preel, qui préconisait le développement de solutions logicielles sur la base des avis de la Haute autorité de Santé.

Je vous passe sur les neuf premiers amendements à l'article 19, tous rejetés ou abandonnés, comme pendant les premières lectures: les deux véritables coups de boutoir contre l'expérimentation proposée par un ministre de la Santé convaincu qu'il est impossible de faire mieux sans risquer de voir 18.000 visiteurs médicaux perdre leur travail, sont arrivés là. Le premier par le sénateur socialiste, médecin, Raymond Cazeau, qui a voulu supprimer cette expérimentation par la création d'un groupe de travail... Et quand le ministre insiste, c'est un député de l'UMP, médecin lui aussi, Guy Lefrand, qui vide l'expérimentation de tout intérêt en excluant de celle-ci les médicaments les plus prescrits ou utilisés dans les hôpitaux...

Les 4.000 visiteurs médicaux qui s'occupent des hôpitaux sont soulagés. Début 2013, un rapport a dû être remis au ministre de la Santé... Mais ça, hein, chuuuuut...

Le sujet est aujourd'hui de permettre à tout un chacun de s'affranchir du rôle des pharmaciens... pour que l'industrie du médicament puisse en vendre davantage!
















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