mardi 26 mars 2013

Secteur bancaire: non, Luxembourg n'est pas Chypre...

L'incroyable maladresse de l'eurogroupe adossé au FMI a suscité des regards vers le petit Luxembourg, en faisant même un cas similaire... Après deux jours de palabres dans l'Union européenne, le gouvernement luxembourgeois a publié mercredi matin une prise de position sur la thématique, quasiment en même temps que le ministre des Finances, Luc Frieden, a accordé une interview au premier groupe de presse du Luxembourg. Le pays semble même bien placé pour accueillir les capitaux russes.

Mais comment en était-on arrivé là?

La faute à? La faute à Die Welt, qui, le 20 mars à 6h34, publiait un article sur Chypre n'est pas le seul pays dans ce cas de figure. Evidemment, journaliste au Luxembourg depuis près de vingt ans, j'ai directement lu ce papier.

Et comme je n'y trouvais aucun lien vers le document dont les deux journalistes d'investigation s'étaient inspirés, je les ai contactés par mail. Ils m'ont gentiment envoyé ce papier confidentiel de la Goldman Sachs, en pdf, c'est pour cela que je ne vous le mets pas en lien ici non plus. Je l'ai passé à la moulinette pour ne trouver qu'une seule fois référence ou le mot "Luxembourg", page 20. Il s'agit d'un tableau qui recense les avoirs bancaires dans les Etats membres de la zone euro. Et donc le très sérieux Die Welt a réussi à sortir ce papier sur la base d'une seule mention dénuée de toute contextualisation. Mieux même, les journalistes n'ont pas repris le tableau qui figure dans le rapport mais l'ont rebricolé. L'original indique que le Luxembourg aurait dans ses caisses 22,7 fois son PIB en avoirs bancaires...

Comme nous ne sommes pas sectaires, nous avons parlé du papier de Die Welt.

Comme d'autres journalistes, @quatremer le fameux correspondant de Libération à Bruxelles qui disait "Et maintenant Luxembourg", retweeté par correspondant européen de LCI et professeur associé à Sciences-Po, auxquels journaliste européen à Euractiv.fr indiquait que le Luxembourg a d'autres amis pour s'en sortir.

Avec , on est en train d'assister à la mort des paradis fiscaux européens. , prochain pays sur la liste?
question : quel est l'ami "russe" du Luxembourg?
Allemagne et France seront bcp moins promptes à casser les reins de la place luxembourgeoise...


Avait déjà commencé une sérieuse opération de déminage sur le thème: "Non, le Luxembourg n'a rien à voir avec Chypre". Premier de la classe? Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.
 "Aucun état n'est dans la position de Chypre", dit-il sur wort.lu.
« Je vois effectivement une similitude : la taille du secteur financier par rapport au PIB. Mais je vois aussi trois différences majeures. Chypre a quatre banques chypriotes. Nous avons 140 banques, filiales de grands groupes étrangers. À Chypre, un très grand nombre de clients viennent d’un seul pays, en l’occurrence la Russie. Au Luxembourg, les clients proviennent de très nombreuses régions. Enfin, la place financière luxembourgeoise est beaucoup plus diversifiée, avec les fonds d’investissement et le private banking. Ainsi, outre la taille, je ne vois pas de similitude entre les deux systèmes. " insiste pour sa part le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, dans une interview à nos confrères de paperjam.lu
 Troisième étape, celle de Luxembourg for finance, au post très intéressant sur la nature même de l'exposition des banques au Luxembourg et sur la différence entre les deux pays.

Mais le coup est parti. Et mardi encore, la problématique se poursuivait, alimentée par une méconnaissance de la réalité du secteur bancaire européen. Comme celui-ci, des Echos. Un premier député luxembourgeois, souvent le premier à dégaîner sa question urgente peu importe le sujet, a ainsi demandé au gouvernement de clarifier quelles pourraient être les conséquences d'une solution "à la chypriote" au Luxembourg.

Un seul homme politique est allé contre cette idée que le Luxembourg n'était pas comme Chypre mais quel homme: le président de l'Eurogroupe lui-même, celui qui a succédé à Jean-Claude Juncker, Jeroen Dijsselbloem, interrogé par Reuters:

Q: What does that say for other countries in the eurozone that have very highly-leveraged banking sectors, Luxembourg, Malta even? Much larger than Cyprus’.
A: It means: deal with it before you get in trouble. Strengthen your banks, fix your balance sheets, and realise that if a bank gets in trouble, the response will no longer automatically be we’ll come and take away your problems. We’re going to push them back. That’s the first response that we need. Push them back. You deal with them.
 Puis:
Dijsselbloem: "I never used the word 'template'. I indicated what the policy would be for the future. Clearly we can't simply copy Cyprus"

Mardi après-midi, Die Welt publiait ce qui sonnait comme un avertissement du chef de la diplomatie luxembourgeoise, le social-démocrate Jean Asselborn, qui invitait l'Allemagne à ne pas trop vouloir profiter de la crise au détriment des autres Etats membres...

Mardi 2 avril, le New York Times titre sur "Chypre n'était pas une exception", pour ne rien dire de très neuf sinon que la prochaine fois, l'Europe n'aura pas la même chance...
 
Un dernier petit lien parce j'aime bien la gamification pour faire comprendre les problèmes complexes: allez vous amuser deux secondes avec celle-ci que l'on doit à Reuters.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Publicité